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Honorer le Panthéon de la Terre selon la Tradition

Le Panthéon de la Terre est quelque chose de complexe. La « terre » n’est pour moi pas un « élément », tout comme le feu d’ailleurs, qui demeure un épiphénomène. Cette vision de la Terre issue de la pensée grecque présocratique récupérée par les franc-maçons et que l’on retrouve dans l’imaginaire, y compris dans le culte élémentaire néo-druidique actuel (sic) ou encore dans la Wicca, est pour moi surannée et à dépasser, dans la mesure où l’on se rend bien compte que ce que l’on nomme « Terre » recoupe tout un ensemble de matières différentes : roche, humus, minéraux, magma, etc.; ce qui constitue la manifestation de multiples divinités dont la voix est portée par ce que l’on peut appeler « Gaïa » mais qui demeure toujours une voix multiple. Matière à réflexion.
roche sur le roc'h trevezel

Chercher dans la Terre, dans la roche et sa pluralité de formes et de composition, des réponses, des soins, une certaine forme de magie, qui comblent le manque de courage à cheminer, à se transformer, à faire le choix de la guérison, à faire ce qui est juste en sa vie.

Remercier la Terre le temps d’une cérémonie, puis l’oublier, tout affairé à la vie profane, sans mesurer combien ce sont les nombreuses divinités rattachées à cette Terre qu’il est juste d’honorer en priorité, et avec qui entrer en relation.Utiliser la roche et projeter une intention sur elle, l’utiliser comme un objet, en osant croire que cela est dû, par pure paresse d’un vrai travail vers l’Être et peur d’écouter les dieux.

Projeter dans la Terre des fantasmes d’hommes et de femmes frustrés et inertes, coincés dans le piège des paraîtres qu’impose illusoirement la culture humaine.

Tout cela est-il juste ?

traces sur pierresEn tant que païens, nous avons à mon sens à œuvrer et communier avec les pierres et la roche de nos pagus dans le sens de la Tradition, au lieu d’aller courir trouver une pierre venue de Madagascar pour expérimenter et se convaincre de ce que disent les dictionnaires de lithothérapie. Nous avons également à considérer en conscience la matière rocheuse et le monde des pierres non pas comme un univers aberrant d’êtres vivants en souffrance, mais comme des éléments du plan terrestre qui mutent en silence sous l’emprise du brumeux Ogmios, en relation avec le monde des divinités du panthéon de la Terre. Même si la Terre, en tant que réceptacle et centre-nuit d’où jaillit la Vie, recueille la mort, brasse l’humus et contient de la vie qui grouille et parce que tout est effectivement en relation sur notre plan terrestre, roches et pierres ne sont pas en effet en lien direct avec les divinités liées à la Vie et au monde sensible des plantes et des animaux.

Celles-ci sont fragments des déités qui ont à nous transmettre la Coutume et à se colorer selon la Tradition païenne européenne, en lien avec la Terre et à nous enseigner le sens juste de la relation avec le monde minéral. Et, à ce titre, elles doivent recevoir le même respect que nous devons avoir pour les êtres vivants des règnes végétal et animal.

Honneurs aux divinités en peignant sur des pierres comme cette pierre ronde avec un serpent peint dessus

Honneur aux divinités du panthéon de la Terre

Faire honneur aux divinités passe aussi par la création et le travail avec la matière du monde.

honneur aux divinités via la pierre peinteEn tant que Barde sur le chemin, en résonance avec mon état de nature et la Tradition qui m’anime et n’aspire qu’à être renouvelée, plus je contemple la terre, les formes qu’elle revêt, plus je la touche et en savoure la texture, et plus je sens en moi un chant sourd et ancien, venu du bas, qui remonte des profondeurs et me pousse à vénérer les divinités de la Terre comme j’honore les divinités du monde végétal (Aesus, Airmid) et du monde animal, dont fait partie l’Homme, (Cernunnos).

Alors il m’arrive de peindre sur les pierres pour rendre honneur aux divinités du panthéon de la Terre et marquer mon respect. Au début, je recouvrais entièrement les pierres, que je peignais pour des raisons égoïstes de créateur qui voulait du confort. Et plus j’ai avancé sur le chemin, et plus progressivement j’ai laissé la matière roche s’exprimer. J’essaie maintenant de trouver un équilibre entre culture et nature, et de ne plus recouvrir complètement la pierre qui parle.

Je la laisse malgré tout exprimer ce qu’elle est.Au final, l’alliance créatrice de la pierre avec moi rend la pierre sensible aux yeux des hommes. Le message passe, peut-être…

Honneurs aux divinités en peignant sur des pierres comme cette pierre ronde avec un serpent peint dessus

Peindre un galet et en déguster la courbe par le toucher, c’est percevoir la beauté de l’eau qui a façonné la pierre. C’est honorer Mélusine, le temps et l’écoulement de l’eau vive, rendre honneur à Ogmios et à Océane qui ont façonné ensemble le monde minéral, et ainsi remercier l’alliance des puissances du Panthéon de la Terre qui ont fait leur œuvre.

L’Awen, au cœur de la Tradition druidique

L’Awen, mot gallois et breton signifiant « inspiration transcendante », est une force incontournable dans le cheminement d’un Barde. Elle est même impérieuse et déterminante puisque sans une réelle descente et montée de l’Awen en lui, un Barde ne peut être reconnu Barde par sa patronne Brigantia. Voici quelques considérations à propos de cette force transcendante.

La Tradition moderne associe le tribann à l' Awen

Évoquer l’Awen

L’Awen résonne comme le souffle du vent sur les hauteurs du Tertre. Il/elle réveille en moi le feu sacré de ma puissance créatrice que gouverne ma protectrice Brigantia. Il/elle est aussi fascinant que la brume qui vient de la baie d’Ys et s’étire sur les plaines de mon bro : force insaisissable et totale qui submerge et remplit mon espace intime.

Le tribann

L’Awen n’a pas de symbole dans sa vérité pleine et entière. Mais l’homme a toujours eu besoin de symboliser, représenter ce qu’il ressent, d’établir des conventions, pour donner du sens et communiquer. Ainsi est apparu le tribann.Issu de la vision ternaire de la tradition galloise de Iolo Morganwg, en lien avec le mouvement protestant franc-maçon fondé au 18e siècle en Angleterre, le tribann est pleinement associé aux Triades, au concept monothéiste « OIW », aux « trois cris de la Lumière blanche », etc.Originellement, ce symbole se rattache donc à une pensée déiste, non polythéiste, mais panthéisto-monothéiste.Cette philosophie n’est à présent plus la mienne au regard de mon expérience religieuse vécue dans la pluralité et une réalité polycultuelle. Néanmoins, dans mon ressenti de Barde, ce symbole résonne toujours aussi fort aujourd’hui et garde une pertinence. Car l’image des rayons illustre justement mon ressenti intérieur lorsque l’Awen se manifeste et vient frapper mon front et mes chaudrons. Et elle a en réalité deux polarités et n’est pas que lumineuse.

De l’usage du mot d’origine galloise

Je suis toujours mal à l’aise avec les personnes qui utilisent le mot « Awen » pour ponctuer la fin de leur discours, comme ils emploieraient le mot hébreux « Amen » en fin de prière. L’Awen n’a rien de liturgique et n’est pas un mot qui sert selon moi à valider un discours. L’Awen se chante et n’est pas une ponctuation. La question en ce cas est : « Cela est-il juste au nom de la Tradition ? Quel le sens et la cohérence de cet usage au regard d’une telle puissance ? »

La force inspiratrice et transcendante de l’Awen

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’Awen est puissance d’inspiration qui traverse l’homme et les Dieux. Cette force transcendante est souffle d’en haut, comme il/elle est aussi souffle d’en bas, remontant parfois des profondeurs : il/elle est ombre et lumière, juste polarité de la Tradition qui tend vers la dynamique. On devrait ainsi toujours représenter le symbole des trois rayons dans ses deux aspects. L’Awen est un choc vibratoire qui, dans son principe de lumière, frappe et glace le front et réveille les trois chaudrons de l’Être; et dans son principe d’ombre, il/elle crée une sorte de chaos intérieur qui fait entrer le corps en résonance. La personne, touchée par l’Awen, est alors telle une corde pincée très fort qui peut vibrer jusqu’à entrer en transe bardique. Par le seul fait de la transe due à l’Awen, la personne est ainsi reconnue Barde et investie de cette fonction sacerdotale par les divinités.

 

Le Barde Taliesin en cérémonie lève les bras au ciel et chante l' Awen

Avec l’Awen, « rien ne va plus »

Le Barde, réceptacle d’une puissance qui le dépasse, devient un awenydd, religieux chantre inspiré qui exprime, recrée, réactualise, change la Tradition, en bouleverse les acquis et le conservatisme entretenu jusqu’alors par les Bardes, tout cela par la seule action de l’Awen. En réalité, il/elle fonde et a toujours fondé la Tradition qu’il/elle rend vivante, comme le font également les Divinités. Et l’Awen de se chanter en rituel, en cascade : instant pur d’éclat et d’ouverture des cœurs (Aaaooou-) et d’ancrage au final (-eeeennnn). À l’image d’une source jaillissante, il/elle devrait se chanter en réalité avec modération, c’est-à-dire une seule fois, au début de la cérémonie religieuse et non à la fin, car c’est une façon de faire venir l’inspiration sur le rituel. Par ailleurs, appeler l’Awen par le chant, c’est accepter d’ouvrir un robinet prêt à déverser cette force implacable, c’est prendre la responsabilité que l’Awen se manifeste en quelqu’un à chaque fois qu’il/elle est chanté, ce qui peut venir transformer l’ordre des choses, dans la cérémonie.

Ainsi, l’Awen n’est pas d’essence divine mais une puissance sacrée, transcendante, à respecter comme telle et à ne pas sous-estimer.

Emblème du Collège des Bardes de l'Ordre Druidique de Dahut
Emblème du Collège des Bardes de l’Ordre Druidique de Dahut