L’Awen, mot gallois et breton signifiant « inspiration transcendante », est une force incontournable dans le cheminement d’un Barde. Elle est même impérieuse et déterminante puisque sans une réelle descente et montée de l’Awen en lui, un Barde ne peut être reconnu Barde par sa patronne Brigantia. Voici quelques considérations à propos de cette force transcendante.
Évoquer l’Awen
L’Awen résonne comme le souffle du vent sur les hauteurs du Tertre. Il/elle réveille en moi le feu sacré de ma puissance créatrice que gouverne ma protectrice Brigantia. Il/elle est aussi fascinant que la brume qui vient de la baie d’Ys et s’étire sur les plaines de mon bro : force insaisissable et totale qui submerge et remplit mon espace intime.
Le tribann
L’Awen n’a pas de symbole dans sa vérité pleine et entière. Mais l’homme a toujours eu besoin de symboliser, représenter ce qu’il ressent, d’établir des conventions, pour donner du sens et communiquer. Ainsi est apparu le tribann.Issu de la vision ternaire de la tradition galloise de Iolo Morganwg, en lien avec le mouvement protestant franc-maçon fondé au 18e siècle en Angleterre, le tribann est pleinement associé aux Triades, au concept monothéiste « OIW », aux « trois cris de la Lumière blanche », etc.Originellement, ce symbole se rattache donc à une pensée déiste, non polythéiste, mais panthéisto-monothéiste.Cette philosophie n’est à présent plus la mienne au regard de mon expérience religieuse vécue dans la pluralité et une réalité polycultuelle. Néanmoins, dans mon ressenti de Barde, ce symbole résonne toujours aussi fort aujourd’hui et garde une pertinence. Car l’image des rayons illustre justement mon ressenti intérieur lorsque l’Awen se manifeste et vient frapper mon front et mes chaudrons. Et elle a en réalité deux polarités et n’est pas que lumineuse.
De l’usage du mot d’origine galloise
Je suis toujours mal à l’aise avec les personnes qui utilisent le mot « Awen » pour ponctuer la fin de leur discours, comme ils emploieraient le mot hébreux « Amen » en fin de prière. L’Awen n’a rien de liturgique et n’est pas un mot qui sert selon moi à valider un discours. L’Awen se chante et n’est pas une ponctuation. La question en ce cas est : « Cela est-il juste au nom de la Tradition ? Quel le sens et la cohérence de cet usage au regard d’une telle puissance ? »
La force inspiratrice et transcendante de l’Awen
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’Awen est puissance d’inspiration qui traverse l’homme et les Dieux. Cette force transcendante est souffle d’en haut, comme il/elle est aussi souffle d’en bas, remontant parfois des profondeurs : il/elle est ombre et lumière, juste polarité de la Tradition qui tend vers la dynamique. On devrait ainsi toujours représenter le symbole des trois rayons dans ses deux aspects. L’Awen est un choc vibratoire qui, dans son principe de lumière, frappe et glace le front et réveille les trois chaudrons de l’Être; et dans son principe d’ombre, il/elle crée une sorte de chaos intérieur qui fait entrer le corps en résonance. La personne, touchée par l’Awen, est alors telle une corde pincée très fort qui peut vibrer jusqu’à entrer en transe bardique. Par le seul fait de la transe due à l’Awen, la personne est ainsi reconnue Barde et investie de cette fonction sacerdotale par les divinités.
Avec l’Awen, « rien ne va plus »
Le Barde, réceptacle d’une puissance qui le dépasse, devient un awenydd, religieux chantre inspiré qui exprime, recrée, réactualise, change la Tradition, en bouleverse les acquis et le conservatisme entretenu jusqu’alors par les Bardes, tout cela par la seule action de l’Awen. En réalité, il/elle fonde et a toujours fondé la Tradition qu’il/elle rend vivante, comme le font également les Divinités. Et l’Awen de se chanter en rituel, en cascade : instant pur d’éclat et d’ouverture des cœurs (Aaaooou-) et d’ancrage au final (-eeeennnn). À l’image d’une source jaillissante, il/elle devrait se chanter en réalité avec modération, c’est-à-dire une seule fois, au début de la cérémonie religieuse et non à la fin, car c’est une façon de faire venir l’inspiration sur le rituel. Par ailleurs, appeler l’Awen par le chant, c’est accepter d’ouvrir un robinet prêt à déverser cette force implacable, c’est prendre la responsabilité que l’Awen se manifeste en quelqu’un à chaque fois qu’il/elle est chanté, ce qui peut venir transformer l’ordre des choses, dans la cérémonie.
Ainsi, l’Awen n’est pas d’essence divine mais une puissance sacrée, transcendante, à respecter comme telle et à ne pas sous-estimer.