Le Barde : une fonction sacerdotale
Le Barde est une fonction sacerdotale du druidisme, religion païenne d’Europe actuellement en ré-émergence.
Il est encore bien trop souvent assimilé actuellement à la fonction réductrice du barde dit « de cour », car trop en lien avec le monde profane du spectacle et de la scène.
Pour autant, le Barde est bien, et avant tout, un religieux en exercice, investi par le Sacré (les Dieux et les Déesses) et l’Awen, force transcendante de l’Inspiration.
Dès lors qu’une personne reçoit par la transe l’inspiration de l’Awen, celle-ci devient Barde. C’est au cours de son exaltation à la fête de Brigia qui suit cette transe, que l’inspiré est alors reconnu officiellement comme Barde par Brigantia, protectrice et patronne des Bardes.
Entre conservatisme et novation
Le Barde est chargé de la conservation et de la transmission de la Tradition. Il remplit cette fonction par la mise en œuvre de différents arts et artisanats, l’art de la parole étant majeur, du fait de la primauté de la transmission orale sur tout autre support. Ceci afin de garantir la vitalité de cette transmission, sa capacité à évoluer dans le temps et à s’adapter aux mouvements des sociétés et du Grand Dessein.
C’est pourquoi, par la reliance et l’écoute, le Barde est chargé, avec effort et engagement, cohérence et constance, de retrouver, faire émerger la Tradition, mais également de la renouveler, la remettre en question, pour dépasser les superstitions issues des mythes et légendes, et les fantasmes. C’est une façon d’assurer la rupture nécessaire avec un trop fort conservatisme traditionnel, comme de se débarrasser des dégénérescences et des approximations nées de l’influence de la franc-maçonnerie du XVIIIe siècle et du Romantisme, d’effacer les syncrétismes avec d’autres traditions, de dépasser enfin les écrits sclérosant la vitalité de la transmission et de la reliance.
Le Barde est ainsi à la fois conservateur et novateur : deux mouvements, deux aspects de sa fonction, nécessaires pour que la Tradition résonne et vibre dans les cœurs de chacun.S’il défend le sens de la Tradition, imprégné des couleurs de son territoire et de l’esprit de son époque, il tient également compte de l’héritage des anciens qu’il n’oublie pas de passer au crible de la modernité et de son esprit. Ainsi le Barde exprime les valeurs de la Tradition, en manifeste les symboles, et en assure le renouveau et le souffle.
Le Barde : un relieur inspiré
Le Barde est plus qu’un musicien. Il est plus qu’un harpiste ou un sonneur, ou une personne vêtue de bleu qui chante et parle en breton ou qui termine des phrases inspirées en ponctuant par le mot « awen » comme lors d’un bénédicité. Il est bien plus qu’un poète ou un conteur de mythes et légendes. Il se sert en réalité de différents arts, en particulier de l’art oratoire, pour être intimement un relieur inspiré qui transmet la Tradition, accordée au monde pluriel des Dieux avec lequel il a appris à entrer en résonance. Lors des cérémonies druidiques, le Barde est l’évocateur, qui se tient au côté de l’invocateur qu’est le Vate. Il est celui qui va honorer et glorifier la Divinité, par le chant ou la parole, en exprimer la Tradition qui résonne au moment de la rituélie. En tant que relieur inspiré, le Barde doit cultiver avec courage un savoir-faire, tout autant qu’un savoir-être dans l’entièreté et la sincérité. D’où l’indispensable connexion au cœur, sa corde qui vibre dans le vrai et le sens de ce qui est juste.
Dépasser l’illusion confortable du mythe pour aller vers la reliance
Le Barde connaît le mythe mais doit savoir le dépasser, pour ne pas le singer et le reproduire théâtralement. Cette théâtralisation n’a pas lieu d’être d’ailleurs, et certainement pas en cours de cérémonie, puisque le Barde est dans une nécessaire reliance dans l’instant présent, pour recevoir l’Awen, les messages de Brigantia parfois et jouer son rôle d’inspiré inspirant. Le Barde peut certes se référer au mythe, en ce que ce dernier peut être porteur de sens. Cependant, de nos jours, le rôle du Barde n’est certainement pas de réactualiser le mythe et de le mettre maladroitement en scène dans un cercle sacré. Ce serait cultiver des croyances passéistes et entretenir des légendes et des superstitions qui éloignent les êtres du sens et de l’esprit critique, des apports de la science. Son rôle est aussi de ce fait de dénoncer et chasser la mascarade, le folklore et le paraître inutiles pour qu’œuvre primordialement la reliance. En cela, l’élan de sa puissance créatrice ne saurait être motivé par la nostalgie, et encore moins par le théâtre ou les croyances d’autrefois. Il s’agit bien plutôt pour l’Inspiré de refonder, et donc de rendre pleinement moderne, la Tradition en écoutant ce que les Divinités ont à exprimer maintenant.
Le druidisme, religion adogmatique, porte par ailleurs en lui un principe d’évolution qui suppose changements, réadaptations, écoute et recréation à chaque moment de célébration de la Roue. Le druidisme ne peut ainsi s’enclaver dans la répétition anachronique du mythe ou s’enfermer dans une circularité sclérosante. Il perdrait le cœur même de ce qui le meut et le fait vibrer : une Tradition vivante et toujours renouvelée.
Pour en lire plus sur le barde, le bardisme, son Œuvre, afin aussi de dépasser l’image cliché du barde « celtique » :
A propos de mon sacerdoce dans le druidisme.
À propos de la force d’inspiration de l’Awen.